Pour Jean-Louis Borloo, Président du Parti radical : « La France n’est pas irréformable »

de | 2010-11-02

Billel Ouadah 6a00e54ed677a18833013488a69154970c-300wi Pour Jean-Louis Borloo, Président du Parti radical : "La France n’est pas irréformable" Actualités nationales Jean-Louis Borloo  Billel Ouadah

Ministère de l’écologie (Paris VII), hier.
Jean-Louis Borloo défend sa méthode : « Le Grenelle, c’est apprendre à jouer collectif, avoir une analyse partagée de la situation et finir par se mettre d’accord sur 80% des points »  (Crédits photos : Philippe Lavieille)

A quelques jours du remaniement gouvernemental, Jean-Louis Borloo est donné archifavori pour Matignon. Critiqué pour sa gestion de la crise de l’essence, l’homme du Grenelle de l’environnement rêve d’étendre sa méthode à d’autres domaines que l’écologie : un sondage Ifop commandé par ses services (réalisé du 21 au 22 octobre 2010 auprès d’un échantillon représentatif de 956 personnes) ne révèle-t-il pas que 92% des Français plébiscitent ce mode de réforme?

Malgré la reprise des approvisionnements dans les stations-service, la France est-elle encore en manque de carburant?
JEAN-LOUIS BORLOO. En attendant que les raffineries soient totalement opérationnelles, nous continuons à importer du carburant.
Mais à la pompe, la situation est redevenue normale dans 95% des stations-service. Nous maintenons toutefois une cellule de veille allégée pour faire le point quotidiennement. Je souhaite par ailleurs un retour d’expérience sur cette situation inédite qu’a connue la France : le 11 octobre, plus une goutte de carburant ne sortait des raffineries! Avec les dépôts et les ports bloqués, on est passés à quelques heures d’une paralysie totale du pays. Si une telle situation devait se reproduire, il faudrait beaucoup plus rapidement mutualiser les stocks pétroliers des différents réseaux.

Les manifestations autour de la réforme des retraites ne sont-elles pas le signe d’un profond malaise dans la société française?
Au-delà des mouvements qu’une telle réforme provoque nécessairement, le climat social en France ressemble un peu à celui de 2005, au moment du rejet de la Constitution européenne. Les gens se demandaient : vers quoi allons-nous? Les Français ont découvert, avec la crise, un monde de la haute finance vivant comme en apesanteur, sans rapport avec la réalité, et avec des écarts de rémunération choquants. Je crois que les Français réclament aujourd’hui davantage d’équité et demandent que l’on bâtisse ensemble un projet, dans le respect mutuel.

Certains prétendent que la France est un pays irréformable…
C’est faux. Prenez le Grenelle de l’environnement, voulu avant tout par le président de la République : c’est beaucoup plus qu’une simple réforme, c’est une révolution. Au début du processus, personne n’y croyait. Et pourtant, les résultats sont bien là, dans tous les domaines : sur les énergies renouvelables, les lignes de tramway, la rénovation thermique des bâtiments, les moteurs électriques et hybrides, on est allés beaucoup plus vite et beaucoup plus loin que prévu. La France est aujourd’hui le pays occidental le plus engagé en matière de développement durable.

Pourquoi n’est-ce pas plus visible?
Quand une ligne de tramway est inaugurée en bas de chez vous ou qu’une nouvelle ligne de TGV est lancée, vous ne le reliez pas forcément au Grenelle de l’environnement. Pourtant, tous ces projets sont des enfants du Grenelle. Près de 90% des Français approuvent cette méthode de négociation à cinq entre Etat, associations, collectivités, syndicats, entreprises. Le Grenelle est non seulement devenu une formidable marque de fabrique, mais surtout le symbole de la démocratie participative… pour de vrai.

Pourquoi ne pas avoir appliqué cette méthode à la réforme des retraites?
On ne peut évidemment pas l’appliquer à tout. Les retraites ont fait l’objet de concertations et, au final, il fallait une décision politique courageuse. Pour autant, cette méthode est applicable à de nombreux domaines de la vie quotidienne des Français. Cela exige beaucoup de temps de travail et de négociations préalables. Le Grenelle, c’est apprendre à jouer collectif, avoir une analyse partagée de la situation et finir par se mettre d’accord sur 80% des points en abordant toutes les questions.

A quoi pensez-vous?
A la fiscalité, par exemple. Aujourd’hui, les mesures fiscales sont parfois vécues par les Français comme opaques et injustes. Si on doit réformer la fiscalité en profondeur, ça ne peut pas être l’affaire uniquement de spécialistes. Ce sont des choix socio-économiques tellement cruciaux qu’il faut y associer, dans le cadre d’un Grenelle, le monde économique, les syndicats, les collectivités, pour définir ensemble les grands choix de la France et ne pas se limiter à la question de l’ISF ou du bouclier fiscal. Une telle réforme d’ensemble est infaisable sans le soutien de tous. Je sais que ce n’est pas simple, mais c’est la bonne méthode. Je suis persuadé qu’en six à neuf mois, on pourrait bâtir ensemble un nouveau système de fiscalité pour les vingt ans à venir.

Cela ressemble à un programme de politique générale?
Non. C’est simplement ma façon de voir les choses, notamment après la crise. La force d’un pays, c’est la force de ses ressources humaines et je suis persuadé qu’il ne peut pas y avoir de croissance sans consensus social. La justice sociale, c’est une obligation morale et humaine, mais c’est surtout très efficace économiquement. Je défendrai cette vision quelle que soit ma place et où que je sois demain.

On vous dit archifavori pour Matignon…
Ça n’a aucun sens, je n’ai jamais commenté les rumeurs autour du remaniement et jamais évoqué la question avec le président de la République. C’est sa décision pure. Il s’agit d’un choix politique, non d’un recrutement et encore moins d’une candidature.

Votre nouvelle coiffure a été très commentée. C’est une coupe de Premier ministre?
(Rires.) Comme la plupart des Français, j’ai simplement pris de bonnes résolutions pendant les vacances d’été, comme se remettre au sport, ce genre de choses. Je vous le répète, ce qui m’obsède, c’est l’emploi et la justice sociale.
 
Source : Le Parisien – Frédéric Mouchon et Henri Vernet – Le 2 novembre 2010